Augustus Young       light verse, poetry and prose
webzine of new and unpublished work

Pour M (1948-2012)

Après-midi en bord de mer à Argelès
 
Dans son fauteuil ailé
entre le laurier-rose
et les houppes des herbes de la pampa
elle contemple la baie qui la sépare de chez elle,
ce qui gît derrière ses lunettes de soleil se reflète
dans le cortège devant elle, le carnaval d'un dimanche.
 
Les marcheurs de force, l'œil aux aguets
rivé aux exigences de la promenade,
se creusent l'appétit, les flâneurs,
regardent devant eux, rêvent de la mousse de saumon
dans leur estomac. Les hommes portent des costumes blancs
les femmes des robes à fleur.
Tous sont coiffés de chapeaux de paille.

 
 
Indifférentes roulent les caravanes des familles, encombrées
de chiens et de landaus, suivies
de chaises roulantes, de scooters, de skateboards, de tandems
destinés à des vieillards hilares conduits par plus sportifs qu'eux.
Le monde va partout et nulle part.
Et personne ne reviendra jamais par le même chemin.
 
L'après-midi s'écoule ; apparaissent les délaissés,
échangeant des regards timides comme si le droit de
fouler cette terre allait leur être bientôt
retiré. Mais rassurés par les sourires et les saluts,
ces traînards, pas à pas, s'enhardissent
et finissent par s'asseoir sur un banc, la mer sous les yeux.
 
Elle, qui étudie
Cette humanité passant en cortège
Sans que nul ne l'observe, assise
entre le laurier rose
et les houppes des herbes de la pampa
déploie les ailes de son fauteuil et rentre à la maison.